Paris, France
Ils attendaient ce jour depuis plus de deux mois ! La réouverture des salons de coiffure. Ce lundi 1er mars marque un tournant dans la politique sanitaire du gouvernement allemand. Sous la pression de l’opinion publique et sur fond de multiples campagnes électorales, les salons rouvrent en effet avant les autres commerces pour des questions de «dignité», selon les termes de Markus Söder, patron de la Bavière et potentiel successeur d’Angela Merkel, qui a pourtant toujours été favorable à une politique sanitaire stricte.
Son adversaire dans la course à la chancellerie, le conservateur Armin Laschet (patron de la région de Rhénanie-du-Nord-Westphalie), a renchéri en déclarant que les soins capillaires étaient d’une «grande importance» pour les personnes âgées. L’ouverture anticipée des coiffeurs a provoqué évidemment la colère des autres commerçants. «Je ne vois pas la différence entre rester une heure et demie dans un salon de coiffure et faire des achats pendant quinze minutes dans un magasin», s’est emporté Stefan Genth, le secrétaire-général de la Fédération du commerce de détail (HDE).
Depuis quelques semaines, Berlin semble complètement désorientée sur sa stratégie anti-Covid. Après la quasi-fermeture de la frontière avec le Tyrol autrichien et la République tchèque, le gouvernement Merkel a décidé – unilatéralement – de filtrer à partir de mardi les passages venant de la Moselle vers la Sarre et la Rhénanie-Palatinat à cause d’une poussée du variant sud-africain dans cette région française (60% des cas, selon le Premier ministre français Jean Castex). Les autorités allemandes ont ajouté la Moselle comme zone de circulation du variant sur une liste de 14 pays et régions. Il n’aura pas de passage sans test de moins de 48 heures, pas de voyage en trains ou en bus entre la Moselle et l’Allemagne.
Ces décisions sont critiquées par Paris mais aussi par Bruxelles qui aurait souhaité plus de concertation sur cette question essentielle de la liberté de circulation. Il y a deux semaines, le ministre fédéral de l’Intérieur avait dit qu’il se moquait des remontrances de Bruxelles. «Maintenant, ça suffit ! La Commission a fait assez d’erreurs dans l’approvisionnement du vaccin dans les derniers mois», avait déclaré le conservateur bavarois Horst Seehofer. «L’Union européenne devrait nous soutenir au lieu de nous mettre des bâtons dans les roues», avait-il ajouté.
Ces annonces montrent surtout à quel point les responsables politiques allemands sont devenus nerveux face à la situation sanitaire et aux impatiences de la population. En raison de la propagation des variants, le gouvernement et des Länder ont compris cette semaine que leur objectif de 35 comme taux d’incidence national ne pourra pas être atteint pour engager un rapide déconfinement (il stagne à plus de 60 depuis une semaine avec une tendance à la hausse). Le virologue Christian Drosten, conseiller d’Angela Merkel, estime d’ailleurs que l’Allemagne est «déjà entrée dans une nouvelle vague». L’Allemagne a dépassé ce week-end la barre des 70.000 morts.
La campagne de vaccination ne décolle pas
Alors qu’elle avait fait figure de modèle au début de la pandémie, la gestion de crise «à l’allemande» est devenue chaotique. Le ministre de la Santé, Jens Spahn, qui avait été pressenti il y a encore six mois pour remplacer Merkel à la chancellerie, cristallise désormais toutes les critiques, notamment pour sa politique de test. Selon les chiffres du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), l’Allemagne est tombée à la 22e place (sur 27 pays) dans la première semaine de février (1 344 tests pour 100 000 habitants contre 10 800 en Autriche).
Par ailleurs, la campagne de vaccination ne décolle pas. Seulement 4,5 % de la population avait obtenu en fin de semaine une première injection. La pénurie de doses n’est même plus la seule raison du fiasco allemand : la défiance dont souffre le vaccin anglo-suédois AstraZeneca auprès de la population a obligé la Commission des vaccins (Stiko) à revenir sur sa recommandation de ne pas l’injecter aux plus de 65 ans.
Plus d’un million de ces doses restent inutilisées dans les centres de vaccins pour des «raisons irrationnelles», estiment les médecins. Plusieurs responsables politiques jugent qu’il faut désormais proposer ce vaccin à tout le monde, sans aucune priorité. Mieux vaut l’utiliser que de le jeter. «Que ceux qui veulent se vacciner se vaccinent !» a lâché ce dimanche Markus Söder. Berlin a proposé d’utiliser les doses AstraZeneca pour vacciner 3 000 SDF dans les centres d’hébergement.
L’autorité d’Angela Merkel qui, il y a dix mois, dénonçait une «orgie de discussions» entre les Länder, est de plus en plus contestée et la chancelière se fait étrangement silencieuse. Elle s’est bien déclarée en faveur d’un passeport sanitaire européen et d’une «stratégie de réouverture liée au développement de tests rapides». Sans plus. Un nouveau «sommet Covid» doit se tenir mercredi 3 mars entre le gouvernement et les Länder pour décider d’un prolongement éventuel des restrictions ou de la poursuite du déconfinement.
0 Comments